Saison : 2016-2017
La Truite
Un dimanche. Dans un petit village. Un couple, proche de l’âge de la retraite, qui vient de s’installer pour ouvrir une petite boulangerie bio. Nouvelle maison. Nouvelle vie. L’homme fête son anniversaire. Mais il a surtout une annonce à faire, importante, grave. Les trois filles sont invitées à déjeuner. L’aînée vient avec son conjoint, son bébé et la panoplie qui va avec, la cadette idem et la benjamine avec sa compagne. La deuxième a ramené une truite. Lactopesco- végétarienne, elle ne mangera pas de blanquette de veau. Et on va surtout parler de ça. Pourquoi ne ferait-elle pas comme tout le monde ? Que veut dire « avoir des convictions » ?
Coproduction la Comédie de Reims, Compagnie Moon Palace
mise en voix par Rémy Barché
avec Suzanne Aubert, Marion Barché, Christine Brücher, Daniel Delabesse, Thalia Otmanetelba, Tom Politano, Samuel Réhault, Blanche Ripoche
Convulsions
Convulsions est le troisième volet d’une trilogie intitulée Face à la mort.
Il revisite un épisode de la Tragédie des Atrides où Atrée et Thyeste assassinent leur demi-frère ; torture, infanticide, adultère, vengeance, exil, chœur antique entonnant La mort est une fête… Tout est là pour une action qui se déplace d’un terrain de basket à un aéroport, destination America.
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Le ventre est encore fécond d’où sortira la bête immonde.
Grands peurs et misères de troisième Reich, Berthold Brecht.
« J’aime l’écriture d’Hakim Bah, il fait partie d’une génération d’auteurs qui insuffle une vitalité nouvelle et une urgence à prendre la parole sur les plateaux.
Ils sont la preuve vivante de la nécessité, pour penser et cultiver l’humain en nous, de tout ce qui n’est pas nous : l’étranger, le différent, l’autre.
Pour Convulsions Hakim Bah s’inspire de Thyeste, la tragédie de Sénèque. Il en fait un conte d’anticipation effrayant dans lequel on peut gagner une green card par tirage au sort, où l’ADN parle et où l’humain est possédé par un mot, Greedy✳ (le cri de guerre du monde de la finance), pour l’appliquer à tous les compartiments de sa vie, jusqu’au plus intime.
La violence est dans chaque scène, elle va jusqu’à l’épuisement, elle va au bout de son absurdité.
Comme si l’auteur avait voulu en exprimer l’essence, mais à peine un filon est-il épuisé, qu’apparaît un nouveau, et ça continue, ça creuse plus profond. À la lecture on est pris dans ce maelström.
J’ai d’abord éprouvé un grand plaisir à lire la pièce. Cette langue fait naître un plaisir ambigü chez le lecteur, qui accepte presque malgré lui de plonger dans cette décharge de violence, qui se tisse à un humour abrupt et burlesque. Voyeur essayant de calmer la montée d’une drôle de culpabilité, je me suis fait prendre par l’histoire.
Mais si Hakim Bah reprend l’inexorable descente aux enfers des fils de Tantale, c’est sans doute pour témoigner d’une chose très simple. Une chose que nous vivons dans nos chairs et avec laquelle nous « dealons » au quotidien, passant de la colère à l’écœurement avant qu’une immense fatigue nous gagne face au gâchis provoqué par la répétition des mêmes erreurs, des mêmes horreurs, toujours…
Hakim Bah tord le mythe de Thyeste et d’Atrée pour accoucher d’une pièce à la fois intime et éminemment politique. Notre époque est cool et monstrueuse, notre monde techno-globalisé à l’agonie. Nous n’avons pas retenu la leçon depuis Sénèque et nous célébrons jour après jour la victoire du verbe avoir sur le verbe être. Ce faisant, nous nous condamnons à l’anthropophagie et à l’inhumanité. »
Frédéric Fisbach
- ✳Greedy, mot anglais qui signifie avidité
Production Compagnie Ensemble Atopique II, Théâtre Ouvert avec le soutien de la Région Ile-de-France
Avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de Beaumarchais, de la Colline, theâtre national; du Carreau du Temple
Ce texte a obtenu la bourse Beaumarchais, le Prix Théâtre RFI 2016 et sera publié en 2017 dans la collection Tapuscrit / Théâtre Ouvert en partenariat avec RFI
mise en espace par Frédéric Fisbach
avec Ibrahima Bah, Maxence Bod, Sophie Cattani, Madalina Constantin, Lorry Hardel, Nelson-Rafaell Madel
Alice ou le choix des armes
Dans Alice ou le choix des armes, le récit d’une enquête pour meurtre et la question de la violence au travail se mêlent à l’évocation d’un théâtre intérieur : le théâtre d’Alice. Les personnages du récit – François Kerrelec, Alice Delcourt et Samuel Tison – côtoient les figures à la fois réelles et fantasmées qui peuplent le théâtre d’Alice : « une équipée brutale aux regards fuyants. Des culs de singes qui crient. Des grenouilles. L’odeur brûlée des sauterelles. » Il est question de proies, de peurs, d’humiliations, question de révolte aussi, de refus, d’émancipation. Avec en filigrane, cette interrogation lancinante : Alice, qu’a-t-elle fait ? Samuel Tison, est-elle allée jusqu’à le tuer ?
La comédienne Emmanuelle Lafon interprète avec brio cette lecture mise en espace, avec ses sculptures, ses fauves et ses ombres projetées.
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- « Qui sait ce qui nous anime ?
- Quelles forces, quelles figures, hommes, femmes, animaux, déchets, choses, traces, impressions fugitives ?
- Qui sont ces acteurs, ces actrices, témoins, mendiants, dieux, déesses, dépositaires de nos rêves, de nos fantasmes ; entités troubles, multiples, souvenirs, songes, paysages, cadavres, corps mous des taupes écrasées, trouées ?
- Qui sait, chacun, de quoi est fait son théâtre ?
- Cet espace à l’arrière de notre rétine, de notre souffle,
- Cet espace lourd, à l’arrière de notre présence, fond inépuisable,
- De quels doubles, de quels silences, oublis, pleurs, terreur, haine … à foison ?
- Oui, qui sait, chacun, à quoi ressemble son théâtre, cette scène, si elle n’est pas un meurtre ? «
extraits d’Alice ou le choix des armes
Production Théâtre Ouvert avec le soutien de la Région Ile-de-France
d’après le roman Alice ou le choix des armes, Stéphanie Chaillou (Alma Editeur)
adaptation et mise en espace Stéphanie Chaillou
avec Emmanuelle Lafon
voix off Stéphanie Chaillou
conception visuelle Annabel Vergne
sculptures et manipulation Alice Louradour
Bois impériaux
Réécriture lointaine d’Hansel et Gretel, Bois impériaux se pose à l’endroit de friction de deux lieux contradictoires : l’autoroute – métrée, grise, stérile – et la forêt – infinie, noire, mythique. Au compteur, les kilomètres défilent, les minutes passent, la température baisse quasi imperceptiblement. Tout autour, s’étend la nuit, la nuit noire de la route, où l’on n’y voit qu’à profondeur de phares, où les panneaux jaillissent des ténèbres avec des noms bizarres et disparaissent aussitôt, emportant avec eux leurs légendes.
Production Cie les productions Merlin, Théâtre Ouvert
En collaboration avec le Théâtre National de Strasbourg
mise en voix par Anne Théron
photographe Emmanuel Rioufol
avec Romain Darieu, Alex Descas, Rémi Fortin, Maud Pougeoise, Adrien Serre
Des guerriers dans le crâne
Trois personnages. Trois monologues d’affilée. Un fait divers. Et la parole donnée à des « pauvres gens » perdus dans des paysages sans nom ou pris dans un univers urbain sans horizon. Une parole qui sort comme une logorrhée ou un soliloque. Bien loin de Lars Norén, il y a bel et bien une absence de guerre, un théâtre où l’on ne se confronte plus, où les relations ne sont plus à démêler mais à contempler de loin comme un pur objet mis en exposition. La guerre dans le crâne semble avoir dévidé la scène et le sang des personnages pour n’en garder que des contours flottants. Cependant, nous retrouvons cet éternel attrait du glauque, du sordide, mêlé à la « soupe au choux » qu’on a finalement envie de regarder avec de bonnes chips et du coca-cola, juste pour le plaisir du leitmotiv, où l’on pourrait percevoir l’ombre de Maldoror pris dans une fantasmagorie à la Fargo.
Grégoire Strecker
Fabulamundi Playwriting Europe
Production Théâtre Ouvert
Avec le soutien de Fabulamundi-Playwriting Europe, du programme Culture de l’Union européenne, de la Maison Antoine Vitez
traduction Laurent Muhleisen et Frank Weigand
mise en voix par Grégoire Strecker
avec Dominique Frot, Paul-Adrien Bertrand, Philippe Fretun
Anticorps
LA VIE NE DOIT PAS ETRE PREFEREE AUX RAISONS DE VIVRE.
Maurice Blanchot
« Anticorps parle de nos vies, de notre aptitude à laisser filer les vies qu’on voudrait avoir et à s’accommoder de celles qui nous fracassent. De notre capacité à faire des compromis, à tenter de les accepter puis à fermer les yeux en espérant que ça passe – cet arrière-goût de rouille quand on y repense. Dans Anticorps tous sont en fuite ; des fuites actives des fuites passives, des corps qui lâchent, des noms qui changent, des gens qui errent. Des fuites qui disent la difficulté à faire face, la facilité à échapper à ses responsabilités mais aussi l’envie de faire autrement.
Dina a fui pour mettre à distance des relations complexes, sans doute aussi pour sauver sa peau. Elle a reconstruit ailleurs, autrement, pour essayer malgré tout d’habiter le présent. Et puis cet arrière-goût, de rouille, de sang, d’excrément la ramène chez son oncle et chez sa tante où elle n’a pas mis les pieds depuis plus de 10 ans. Elle vient trouver des réponses, remettre les compteurs à zéro. Mais son oncle aussi a pris la fuite, effacé par la maladie. Homme sans voix, sans corps, sans mouvement, sans pensée, désormais sans passé. Elle est seule avec son histoire, avec ses maux, héritière malgré elle des actes et des choix de vie d’autres.
Dina reprend la route sans savoir où elle va. Une nouvelle fuite, une nuit d’errance va la conduire à croiser le chemin d’autres figures ; comme elle, elles ont choisi de se retirer du monde. Des humanités sur le fil traversent sa nuit, en quête d’identité ils interrogent les difficultés à agir et le besoin de faire parler la chair pour réactiver le désir, subversif et asocial, sans doute capable d’ouvrir de nouvelles possibilités de résistance. »
Le blog de Jean-Pierre Thibaudat : mEDIAPART
Coproduction Théâtre National de Bretagne/Rennes, Comédie de Caen-Centre Dramatique National, Comédie de Reims- Centre dramatique national, Copilote, Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies Contemporaines
Avec le soutien de la SPEDIDAM
Résidences Théâtre Ouvert, avec le soutien de la Région Ile-de-France, L’Aire Libre en partenariat avec le Théâtre National de Bretagne/Rennes, Confluences.
Ce projet est construit dans le cadre de l’aide au compagnonnage du ministère de la Culture et de la Communication, en collaboration avec Jean-François Sivadier et la compagnie Italienne avec Orchestre.
La création de cette pièce bénéficie du Prix Jeunes Talents Côte-d’Or – Création Contemporaine et donc à ce titre d’une aide du Conseil Départemental.
Avec Dan Artus, Adeline Guillot, Judith Morisseau, Jules Sagot
Assistante à la mise en scène Joséphine Supe
Scénographie Margaux Nessi
Création lumière Diane Guérin
Création sonore Baptiste Chatel
Création vidéo Thomas Rathier
Régie générale Félix Dhénin
Il faut beaucoup aimer les hommes
Il faut beaucoup aimer les hommes est un roman, une fiction, une histoire d’amour. Solange est blanche, Kouhouesso est noir. C’est un roman sur l’amour brûlant, sur l’amour passion, sur un amour douloureux et asymétrique : elle ne regarde que lui, lui regarde ailleurs. Il a un grand projet. Il veut réaliser l’adaptation cinématographique de la nouvelle de Conrad, Au cœur des ténèbres. Et partir tourner le film en Afrique. La scène se passe à Los Angeles, ils sont acteurs, tous les deux. Il veut sortir des studios d’Hollywood et plonger dans la forêt.
Pour la première fois, Das Plateau s’empare de l’écriture de Marie Darrieussecq et de cette œuvre immense qui parle d’amour et de racisme, du féminin et du masculin, de la manière dont l’histoire des peuples s’immisce à l’intérieur de l’histoire des hommes.
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L’Afrique ça n’existe pas
Le titre du roman de Marie Darrieussecq, Il faut beaucoup aimer les hommes, s’inspire d’une citation de Marguerite Duras. Ce récit de la passion intense d’une femme blanche pour un homme noir est transposé sur scène par le collectif Das Plateau. Il y est question d’amour, de racisme et de cinéma, mais c’est aussi une découverte vibrante d’une certaine Afrique.
« L’Afrique ça n’existe pas. » Le ton péremptoire appelle une explication. « L’Afrique est une fiction d’ethnologue. Il y a des Afriques. » Celui qui parle s’appelle Kouhouesso. La conversation a lieu dans une maison du quartier de Bel Air à Los Angeles. Solange, son interlocutrice, lui a dit qu’elle aimerait visiter l’Afrique. Un peu plus tôt ils ont fait l’amour. Ils sont tous les deux acteurs. Tous les deux étrangers. Solange est française. Kouhouesso canadien d’origine camerounaise.
Quand un peu plus tard elle lui dit à son tour « l’Afrique ça n’existe pas », il se moque : bien sûr que l’Afrique existe. La même phrase, dans deux bouches différentes, n’a plus la même portée. Selon le contexte, l’histoire, la situation dominant-dominé, l’expérience et le savoir de celui qui l’énonce, le sens de la phrase diffère. Ainsi peut-être y a-t-il déjà une dimension théâtrale dans la situation de ce couple, Solange et Kouhouesso.
C’est en tout cas le point de vue du collectif Das Plateau qui a choisi de s’emparer du roman Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq. Ils souhaitent interroger la manière dont l’histoire des peuples s’immisce à l’intérieur de l’histoire des hommes et comment discriminations, rapports de force et violences se répercutent de manière souterraine et parfois imprévisible à travers les générations. Cette collision singulière entre le singulier et le collectif, entre l’intime et le politique, entre l’historique et le géographique qui traverse l’ensemble de l’écriture de Marie Darrieussecq a profondément touché l’équipe de Das Plateau, dont l’une des préoccupations majeures consiste en la recherche d’un « tragique contemporain », comme l’explique Céleste Germe, metteuse en scène du collectif : « Quelles sont les douleurs propres à notre époque ? Comment ausculter notre monde ? Face à la montée des populismes et à la construction d’un antagonisme raciste qui s’articule aux évènements terroristes, nous voulons tenter d’approcher la manière dont la violence de cette réalité colore nos relations, nos sentiments et nos vies ».
Il faut beaucoup aimer les hommes est aussi l’histoire d’une passion amoureuse. Dans le roman, Solange passe beaucoup de temps à attendre son amant accaparé par un grand projet, l’adaptation cinématographique d’Au Cœur des Ténèbres de Joseph Conrad. Peut-être y a-t-il dans toute affaire sentimentale une dimension initiatique, une confrontation avec l’inconnu. Se pose alors la question de l’attente. Comment la décrire sans lasser, ni la réduire à l’obsession contemporaine des textos ? Si l’on considère, comme Marie Darrieussecq, que la « sainte Patronne » des femmes qui attendent, c’est Mme Bovary – même s’il y a aussi eu dans l’Antiquité, Pénélope –, force est de constater que la temporalité du XIXe siècle diffère de la nôtre. Pour autant les sentiments ont-ils tellement changé aujourd’hui ? Et ce même si on les compare avec ces jours pas si lointains où l’on attendait fébrilement la réponse à une lettre ? Le temps et en particulier celui de l’attente constitue une dynamique féconde du récit, de son rythme, de sa tension. C’est précisément sur ce terrain que Céleste Germe et Marie Darrieussecq se rejoignent. En effet ce n’est pas tant le récit en soi qui les motive l’une comme l’autre que la façon dont on donne à ressentir à la fois par des mots et par des dispositifs. « Je ne me satisfais pas d’écrire : ‘elle se sentait très angoissée’, analyse Marie Darrieussecq. Je veux le donner à sentir, voire à vivre au lecteur ou à la lectrice, avec toutes sortes de moyens, une écriture géographique, moléculaire parfois. Même si j’aime aussi beaucoup raconter des histoires ». À quoi Céleste Germe ajoute : « Le théâtre est un art du temps. Mettre en scène l’attente pose donc forcément des questions formelles passionnantes. Comment faire coexister dans le temps du théâtre, le rythme à la fois continu et elliptique, vide, répétitif et lent, propre à l’attente ? »
L’amour de Solange pour Kouhouesso se double d’une découverte de l’Afrique. Une Afrique devinée depuis les collines de Los Angeles, mais aussi à travers le roman Cœur des ténèbres de Joseph Conrad, dont Kouhouesso s’apprête à tourner une adaptation. Solange n’a pas lu Conrad, ignore tout de Frantz Fanon ou de Chinua Achebe et ne s’était encore jamais intéressée au Congo ; ce Congo de Conrad qui est « quelque chose de grand et d’invincible, tel le mal ou la vérité » et qui obsède Kouhouesso parce qu’il est à la fois le cliché de l’Afrique vue par les Blancs et le symbole d’un cinéma impossible, celui du film Apocalypse now de Francis Ford Coppola.
L’Afrique, comme le « couple mixte », comme la couleur noire, est un immense réservoir de lieux communs. En témoigne le fameux discours de Dakar, prononcé au début de son quinquennat par Nicolas Sarkozy, qui est en partie reproduit dans le roman. Une des réussites de l’écriture de Marie Darrieussecq dans Il faut beaucoup aimer les hommes tient précisément au fait qu’elle ne tourne jamais le dos aux clichés, mais les « soulève comme des pierres pour voir ce qui grouille dessous ». Tandis qu’elle travaillait sur son roman, elle a éprouvé la nécessité de se rendre dans cette forêt que voulait filmer son personnage. Devant la difficulté d’un voyage en solitaire dans la forêt congolaise, et sur les conseils du romancier Jean Rollin, elle a opté pour le sud du Cameroun, embauché guide et piroguier, et écrit une partie du roman là-bas.
Les pages essentielles sur l’Afrique et le tournage du film donnent à Il faut beaucoup aimer les hommes toute son épaisseur et sa consistance singulière. Céleste Germe et les membres du collectif Das Plateau sont, à leur tour, partis au Cameroun sur les traces de Marie Darrieussecq. Ayant choisi d’adapter le roman à la scène et travaillant depuis longtemps sur les relations entre le théâtre et le cinéma, ils ont souhaité faire ce saut à l’intérieur du roman, aussi bien dans la densité du réel sur lequel le livre se fonde que dans la profondeur de la fiction. Ils sont partis tourner un film qui sera intégré à leur création. « Même si toute représentation est nécessairement partielle, nous avons voulu montrer les lieux du roman pour ne pas laisser l’Afrique d’Il faut beaucoup aimer les hommes dans le seul champ du fantasme, de l’imagination. Sachant que l’un des sujets fondamentaux du livre est le regard occidental sur l’Afrique, il nous a semblé indispensable de mettre en jeu notre propre regard : aller voir et en ramener la trace », dit Céleste Germe. Le film met en relation le paysage et la littérature sous forme de collage. En effet, « filmer la forêt est impossible », dit Marie Darrieussecq. Les arbres sont si hauts, tout est trop touffu ; d’une certaine façon, on ne voit rien. L’Afrique, observée à bout de nez, échappe encore. Même si elle vous traverse la peau. Kouhouesso en fait l’expérience. L’Afrique qu’il veut montrer tend à se dérober. Une autre réalité, économique celle-là, le rattrape. En Afrique, il se transforme en « patron » manipulateur confronté à son tour aux clichés. Telle est la complexité des rapports de domination ; ils s’inversent en fonction des situations.
Solange l’a rejoint sur place. Elle doit jouer la Promise, la fiancée de Kurz, le héros de Cœur des ténèbres. Ce ne sont que quelques petites scènes ; la Promise est un personnage secondaire. Mais sans cette participation au film de son amant, elle n’aurait jamais eu l’occasion de le rejoindre sur le tournage. « L’Afrique est vue par une Solange qui rêve de vivre son histoire d’amour dans une bulle, sans rien ni personne qui viendrait altérer la relation duelle. La forêt n’est pour elle qu’un empêchement. Si elle pouvait la brûler pour rejoindre son homme, elle se ferait bombe et napalm. Pourtant, elle aussi, va se laisser prendre. Et dans ces pages magnifiques, plus l’équipe de tournage s’enfoncera dans la forêt, plus Solange éperdue de passion s’enfoncera dans une douleur cosmique, tellurique. Mais quelque chose de la forêt l’aide aussi à sa propre sauvegarde. Marie Darrieussecq écrit admirablement cette conductivité singulière entre la souffrance de son héroïne et la matérialité de ce monde humide et chaud. », observe Céleste Germe. Et c’est précisément ce que Das Plateau entend réaliser dans cette adaptation théâtrale : « Nous voulons à travers une plongée progressive du spectateur dans l’espace scénique lui faire éprouver ce poème ardent où émerge d’une dimension intensément physique le paysage mental d’une Solange en fusion ».
Hugues Le Tanneur
juillet 2016
France culture – Les nouvelles vagues
Production Das Plateau
Coproduction et résidence Comédie de Reims – Centre Dramatique National, Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies Contemporaines avec le soutien de la Région Ile-de-France, Centre Dramatique National d’Orléans / Loiret / Centre, Pôle Culturel d’Alfortville, Centre Boris Vian – Les Ulis
Soutien en résidence La Ferme du Buisson – Scène Nationale de Marne-la-Vallée, Montévidéo, Marseille / Festival Actoral, Le Carreau du Temple
Avec l’aide à la production de la DRAC Île-de-France, la participation du DICRéAM, le soutien du Conseil départemental du Val-de-Marne dans le cadre de l’aide à la création, le soutien d’Arcadi Île-de-France, le soutien du Fonds de dotation POROSUS.
Ce texte a reçu l’Aide à la création du Centre national du Théâtre.
Audrey Cavelius est accueillie dans le cadre de la bourse de compagnonnage théâtral de Lausanne et du Canton de Vaud.
Remerciements Théâtre Nanterre-Amandiers, Compagnie AsaNIsiMAsa, Félicie Paurd-Maurel, Clémence Boudot, Pierre Bariaud, Gaël Zaks, Valéry Schatz, Alexandre Pavlata, Julian Eggerickx, Logan Sandridge, Stéphane Effa, Nina, Sarah et Germaine Bilong, Madeleine Mamende, Jean-Jacques Brumachon, Sophie Albert, Hélène Helfer-Aubrac, Josselin Robert, Naruna Kaplan.
Projet aidé par la commune des Ulis.
Das Plateau est artiste associé au Carreau du Temple et à la Comédie de Reims, est accueilli en résidence au Pôle Culturel d’Alfortville et membre du collectif de compagnies 360.
conception et réalisation Das Plateau
(Jacques Albert, Céleste Germe, Maëlys Ricordeau, Jacob Stambach)
Mise en scène et réalisation Céleste Germe
Texte additionnel et scénario Jacques Albert
Composition musicale et direction du travail sonore Jacob Stambach
Avec Cyril Gueï, Maëlys Ricordeau
Assistante à la mise en scène Audrey Cavelius
Scénographie James Brandily, assisté de Fanny Benguigui
Création lumière, régie générale, régie lumières Olivier Tessier
Création lumières vidéo Robin Kobrynski
Costumes Emilie Carpentier
Régie son et image plateau Adrien Kanter
Régie plateau Maxime Papillon
Chef opérateur image Diego Governatori
Montage image David Daurier
Régisseur général tournage Patrick Epapé (Cameroun)
Ecriture et direction du du travail sonore Elisabeth Wood (Berlin)
Le roman est édité aux éditions P.O.L
Des territoires (…D’une prison l’autre…)
L’équipe artistique mène durant 15 jours à Théâtre Ouvert une résidence dramaturgique visant à expérimenter le texte et ses possibles résolutions scéniques dans le cadre d’une session de l’EPAT (Ecole Pratique des Auteurs de Théâtre).
Les spectateurs sont invités à découvrir le fruit de ce travail avant la publication et la création du spectacle en septembre 2017.
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Le temps de travail proposé par Théâtre Ouvert sera un temps de chantier, de recherche, d’approfondissement, sans technique ni décor, concentré uniquement sur le texte et les acteurs. C’est un luxe inouï de disposer ainsi d’une période de réflexion et de mise en route sans objectif de résultat. Nous allons avancer sans mettre les enjeux de la représentation au cœur du travail. Il s’agira en effet de se concentrer uniquement sur la rencontre entre des acteurs et une écriture. Nous espérons ainsi traverser toute la pièce avec patience et profondeur. Poser très simplement la question du corps, des rapports de distance ou de proximité, d’immobilité ou de mouvement, d’adresse…
Nous ne savons pas encore ce que nous proposerons comme restitution. Peut-être s’agira-t-il d’une simple lecture, peut-être autre chose. Nous serons où nous en serons, et c’est ce que nous laisserons apparaître, le plus honnêtement possible.
Il ne s’agira pas d’une maquette de ce que deviendra le projet, mais du défrichage partagé entre nous et les spectateurs, d’une zone à risque, d’un territoire en construction.
Baptiste Amann
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Résumé du premier volet
Des territoires (Nous sifflerons la Marseillaise…)
Ed. Tapuscrit /Théâtre Ouvert
(Jour 1)
Le pavillon témoin d’une résidence HLM. Quatre frères et sœur. Lyn, l’aînée, Benjamin, lourdement handicapé à la suite d’un accident de voiture, Samuel responsable politique de petite envergure, et Hafiz, le frère adoptif ont grandi là. Des années passées à commenter l’évolution du quartier, l’ambition de l’un, le racisme de l’autre, les choix, les comportements, les faiblesses de chacun. Réunis à nouveau à la mort de leurs parents, ils reprennent aussitôt leurs anciennes habitudes. Pourtant il faudrait organiser l’enterrement. Vendre ou ne pas vendre la maison. Se prendre dans les bras. Consoler. Impossible.
Jusqu’à ce qu’une entreprise d’expertise des sols, venu faire des prélèvements dans la perspective d’un chantier futur, découvre dans leur jardin des os humains. Il s’agirait de la dépouille de Nicolas de Condorcet, figure de la Révolution Française. L’héritage n’est plus le même.
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Résumé du second volet
Des territoires (…D’une prison l’autre…)
À paraître Ed .Tapuscrit /Théâtre Ouvert
(Jour 2)
Jour de deuil. Jour d’émeute. Devant la violence des affrontements, la mairie a pris ses dispositions : les habitants sont invités à rester confinés chez eux sous peine d’être contrôlés et emmenés au commissariat. Lyn, Benjamin, Samuel, et Hafiz reviennent du cimetière. Quand ils ouvrent la porte de chez eux, ils tombent nez à nez avec Lahcen et Moussa, deux habitants du quartier venus les prévenir des dégâts provoqués par la révolte. Il y a là aussi Louise Michel, une militante activiste luttant contre le projet d’extension du centre commercial qui prévoit le rachat de la zone pavillonnaire au profit de la construction d’un parking souterrain. Contraints de cohabiter le temps d’une journée alors que dehors résonnent les cris de l’insurrection, une petite agora va s’établir dans le salon du pavillon témoin. Et inconsciemment, glisser peu à peu, jusqu’à l’incarner tout à fait, vers le souvenir d’une ancienne révolution : celle de la Commune en 1871.
Coproduction Compagnie du Soleil Bleu, Théâtre Ouvert avec le soutien de la Région Île-de-France
Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la présentation du 2 mai
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Des territoires (Nous sifflerons la Marseillaise…)
Le spectacle a été créé au Glob Théâtre-Bordeaux le 12 janvier 2016 puis présenté à Théâtre Ouvert du 29 janvier au 19 février et à la Comédie de Reims du 23 février au 5 mars 2016
TOURNÉE
La Genette Verte – Florac (Scènes Croisées de Lozère) : le 25 février 2017
TnBA – Théâtre national de Bordeaux – Aquitaine : du 10 au 14 avril 2017
Le Merlan – scène nationale de Marseille : les 27-28 avril 2017
Le CENTQUATRE – Paris : du 16 au 24 mai 2017
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Des territoires (…D’une prison l’autre…)
Création en septembre 2017 pour Actoral – Festival international des arts & des écritures contemporaines au Merlan – scène nationale de Marseille
Comédie de Reims : du 10 au 20 octobre 2017
Théâtre de la Bastille dans le cadre du Festival d’Automne à Paris : du 2 au 25 novembre 2017
avec Solal Bouloudnine, Sarajeanne Drillaud, Nailia Harzoune, Yohann Pisiou, Samuel Réhault, Anne-Sophie Sterck, Lyn Thibault, Olivier Veillon