Grand Menteur ou Le joyeux testament
Le monde était trop petit pour moi.
C’est la mère qu’avait dit ça.
« Tu seras bien enquéqué si t’en restes là… »
Et moi je sentais qu’elle disait vrai mais j’avais pas idée de quoi.
« Faudra que tu te le construises, ce foutu monde, pour qu’il soit à ta taille. »
Elle a murmuré ça un jour, avec son air de complot et c’était comme si elle m’apprenait à faire sauter les banques.
Trop petit le monde,
Trop torticulé.
Elle avait raison, la mère.
Moi, je voulais des bateaux, des empires,
Je voulais des nuits plus longues que douze heures.
Et sa phrase, ça m’a donné du souffle.
Pourquoi qu’on peut jouir qu’une fois ou deux, tu sais toi ?
Pourquoi pas vingt-deux fois de suite et la tête en fracas ?
J’ai essayé, tout pris, des pastilles, des alcools, des fumées étranges, tout pris,
Les muscles tendus à outrance de cul,
Les ongles plantés en chair,
Mais après, y a toujours la descente qui embrunit tout,
Ciel de terre dans la tête.
Extrait de Grand Menteur ou Le joyeux testament
Mise en voix par et avec Jacques Bonnaffé
Musique André Feydy