Bruit
Ces quatre-là, je ne les ai pas connus. Le partage était avec d’autres comme eux. La rue, les squats, hiver de la ville. Quand on se disait au revoir, le soir, je savais que commençait pour eux ce temps dans les trous de ciment, le froid, l’errance. Au printemps, ces quatre étaient morts : c’est ceux-là qu’on garde dans la tête, qui vous hantent au présent. Ils sont dans votre tête comme un présent toujours rejoué. Alors on les met ensemble, avec les chiens et le froid, la nuit, dans ce théâtre même. Qu’ils parlent, et que puissent lever à la fin quatre monologues de ce qu’ils ne nous ont jamais dit, mais qui nous concerne, nous seuls. Très vite cela s’est associé pour moi à un bruit, de l’autre côté des galeries, qui grandit, que rien jamais n’expliquera. Nous, dans la ville.
F.B.
François Bon, dans sa pratique d’écrivain, a choisi ces dernières années de travailler avec des prisonniers, des Rmistes, des sans-abri, tous ceux à qui il peut apporter la force de ses mots, dans une langue fracassée, aux antipodes de l’hyperréalisme. Il nous livre ici un texte bouleversant.
Personnages : 1 F, 3 H
9,15 €
François Bon
Tapuscrit 95, 2000